Pourquoi passer à la formation multimodale ?

Proposer de la formation multimodale, donc en partie à distance, génère encore quelques questionnements chez certains. Comme si le fait de ne plus avoir un formateur ou un enseignant qui « transmet » son savoir était un non-sens. Comme si cette « absence » devenait un facteur d’affaiblissement de la qualité des formations. 

L’antonyme de présence est l’absence et non la distance. Mais la distance, elle, ne symbolise-t-elle pas une forme d’absence ? Pourquoi alors passer toute une formation présentielle en distanciel, pour tout ou partie ? Et comment alors concrétiser ce passage de l’unimodalité à la multimodalité ? Des questions auxquelles cet article apporte quelques réponses.

Pourquoi?

Pour des formations plus performantes

Proposer des formations performantes, efficientes, avec une réelle possibilité de transfert sur le poste de travail est probablement une des raisons principales d’invoquer la formation multimodale. Mais, pour que cette performance soit au rendez-vous, il est un point à ne pas négliger qu’est l’accompagnement. Bien souvent, on cherche à remplacer la présence par la distance. Cette distance induit naturellement une absence de relation directe, physique, avec le formateur ou l’enseignant. Alors, la notion d’accompagnement doit être concomitante à la formation multimodale comprenant alors une part de digitalisation.

Mais qu’apporte le digital en formation ? Je serais tenté de dire, par provocation, que le digital n’apporte rien, mais ça serait mettre de côté la plus-value qu’il permet de générer dans les apprentissages.

Il convient d’abord de (re)définir ce qu’est un apprenant. On pourrait dire que c’est un être qui prend en main la modification et l’évolution de son savoir. C’est également un être social qui vit au travers d’échanges, de partages, et évolue en étant influencé par son environnement. Le digital faisant partie de l’environnement d’apprentissage, il influence lui aussi l’apprenant. De quelle manière ? En rendant cet environnement apprenant, avec la mise à disposition permanente des connaissances, ce que Bandura⁠1 estime nécessaire. Philippe Carré la décrit comme “Ensemble de dispositions favorables à l’acte d’apprendre dans toutes les situations qu’elles soient formelles ou non, expérientielles ou didactiques, autodirigées ou dirigées, intentionnelles ou fortuites”. De fait, la digitalisation des formations pourrait être un bon préalable à la multiplication des occasions d’apprentissage. La multiplication des espaces, renforcée par le numérique, génère une porosité des frontières entre les différents apprentissages.

Dans une formation traditionnelle, en salle, donc en présence, l’apprenant est souvent passif -même si beaucoup parlent de pédagogie active, terme bien souvent galvaudé- son attention est focalisée sur l’enseignement. Mais l’attention ne peut être maintenue longtemps sans variation de rythme. La monotonie de ces situations rend les apprentissages moins efficaces. 

Le digital en formation propose un rythme soutenu, qui aide au maintien de l’attention, mais avec des séquences plus courtes auxquelles chaque apprenant peut s’adapter. La récupération cognitive devient alors possible entre les activités et favorise la rétention. Cette étape est riche en matière de traitement des items à mémoriser, car il s’agit d’une transformation ou d’une reconstruction des éléments⁠2. 

Mais il s’agit alors de revoir la posture du formateur, ou de l’enseignant, et de réaliser une réingénierie des parcours existants.

Comment?

Utiliser les multiples espaces

L’ingénierie pédagogique en formation digitale suppose une expérience de la formation digitale. Il est en effet difficile de raisonner en matière de digitalisation des formations sans avoir vécu soit même ce type de formation. Avoir une conscience de l’existence des espaces d’apprentissages multiples est aussi une nécessité. Être capable de proposer des activités collaboratives en considérant ses espaces multiples devient indispensable. Ces activités doivent par ailleurs s’appuyer sur des connaissances en sciences cognitives et neurosciences.

Manipuler les espaces, de temps, de lieux, autorise par exemple des activités collaboratives de recherche, de recoupement d’informations, etc., indispensables à la pratique de méthodes telles que les méthodes inductives propices à la pédagogie par projet ou par problème.

Il est facile de proposer un travail collaboratif, qui peut être en partie synchrone et asynchrone. Par exemple préparer un exposé en commun. Pour ensuite proposer un exercice en salle qui va être accompagné du formateur ou de l’enseignant. Cela favorise la réflexivité, et offre autant de possibilités de rétroactions nécessaires de la part du formateur ou de l’enseignant.  

L’application de méthode en multimodalité permet d’alléger la charge cognitive. Cela laisse à chaque apprenant un temps personnalisé pour ses apprentissages. Générer de la collaboration, permet également de faire évoluer les représentations, dont on sait l’importance qu’elles représentent dans l’apprentissage. La rencontre physique renforce le rôle des neurones miroirs découvert par Giacomo Rizzolati⁠3, dont on sait désormais qu’ils influencent les comportements en facilitant la reproduction d’actions observées.

Utiliser l’accompagnement comme socle de la formation multimodale

Les neurosciences cognitives ont établi que pour apprendre il fallait faire des erreurs⁠4, car elles permettent la construction de notre cerveau. Celles-ci doivent alors être mises en exergue et un retour d’information immédiat doit avoir lieu pour générer des ancrages durables. Ces mêmes neurosciences cognitives ont démontré qu’un apprentissage optimal est le résultat de phases d’apprentissage et de test ou d’évaluation. Mais aussi de feed-back immédiat favorisant la métacognition, et par extension l’apprendre à apprendre. 

Pour avoir le temps de rédiger ces feed-back, ils doivent avoir été imaginés à l’étape de l’ingénierie tutorale. Celle-ci doit prendre en considération toutes les phases d’apprentissage, sur l’ensemble du parcours de l’apprenant. Le formateur n’étant plus disponible dans les mêmes conditions qu’en formation traditionnelle, il devient un accompagnateur, un guide vers les apprentissages, et celui qui valorise le travail effectué par les apprenants. Les évaluations formatives doivent être préparées avec beaucoup d’attention pour être efficaces, pour que les feed-back soient bien compris et utiles. 

L’objectif du feed-back est de réduire le décalage entre la compréhension ou la performance de l’apprenant et le but à atteindre. Il est nécessaire que l’apprenant soit en mesure d’évaluer ses actions en rapport avec les résultats obtenus et d’évaluer sa propre cognition. Cette cognition sur sa propre cognition, cette propre réflexion sur ses pensées. 

La métacognition favorise l’autonomie de l’individu grâce à la remédiation de ses actions. 

Sans accompagnement, laissés à eux même, les apprenants peinent à trouver la motivation à apprendre. Le rôle des tuteurs est alors de relancer sans cesse l’intérêt et l’activité des apprenants, être toujours disponibles pour clarifier un point de méthodologie et créer une communauté d’apprentissage entre apprenants. De fait, la formation multimodale, pour être efficace, doit rester une rencontre entre individus. 

La formation digitale a prouvé son efficacité, elle s’adapte parfaitement à la majorité des apprentissages, à condition que soit réalisée une ingénierie didactique dans un premier temps, puis pédagogique dans un second temps. Ensuite seulement, les choix des outils adaptés et les modalités de déploiement pourront se faire en réponse aux besoins établis.

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1 Albert Bandura explique que l’environnement et les individus sont à la fois le produit et le résultat de leur influence respective In Pierre-Henry François, maître de conférence au département psychologie de l’Université de Poitiers. André E. Botteman, directeur adjoint de la revue Carrierologie. Théorie sociale cognitive de Bandura et bilan de compétences : applications, recherche et perspectives critiques. [En ligne] Disponible sur https://goo.gl/2JiHDo
2 Gaussel Marie & Reverdy Catherine (2013). Neurosciences et éducation : la bataille des cerveaux. [En ligne] Dossier d’actualité Veille et Analyses IFÉ, n° 86, septembre. Lyon : ENS de Lyon. Disponible sur https://goo.gl/FntYcA
3 Giacomo Rizzolati [En ligne] Wikipédia. Disponible sur https://goo.gl/LgqZHs
4 Stanislas Dehaene
Chaire de Psychologie Cognitive Expérimentale. Fondements cognitifs des apprentissages scolaires : cours n° 3, l’engagement actif, la curiosité, et la correction des erreurs. [En ligne] Disponible sur https://goo.gl/G19NKM

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